L'immigration, tout un art au Canada
Attache ta tuque, saison 4, numéro 26
Immigrer c’est d’abord une affaire de procédures, tous les candidats au départ vers le Canada le savent bien, surtout après ces deux dernières années marquées par le Covid et par des retards jamais vus dans le traitement des dossiers. Le gouvernement fédéral devra d’ailleurs mettre les bouchées doubles pour accueillir les quelque 431 000 nouveaux résidents permanents visés cette année (108 000 ont été acceptés au premier trimestre 2022). La seule province de Québec envisage de recevoir 70 000 immigrants permanents cette année, un record par rapport aux 40 000 accueillis en 2019 et 2021, 2020 ayant été une année atypique avec seulement 25 000 personnes reçues. Face à la pénurie de main-d’oeuvre qui frappe tout le pays, de nouvelles mesures sont prises aussi pour faciliter le recrutement de travailleurs étrangers temporaires.
Portable Culture: Mallards & Reeds, 2021, Soheila Esfahani, peinture acrylique et gravure au laser sur bois
Immigrer, c’est aussi une histoire de culture. On laisse derrière soi un pays et des habitudes, on découvre un nouveau territoire, de nouvelles façons de faire, et on s’installe pour longtemps dans un entre-deux : on n’est pas encore vraiment d’ici, plus tout à fait de là-bas. Cette étrange sensation est au coeur de la nouvelle exposition proposée par le Centre culturel canadien à Paris. Une exposition qui réunit trois femmes, trois artistes vivant au Canada, mais d’origine étrangère : Soheila Esfahani vient d’Iran, Xiaojing Yan est née en Chine et Jude Abu Zaineh en Palestine. Chacune utilise des objets ou des techniques de sa culture d’origine et les transforme pour exprimer ce “déplacement progressif d’appartenance”, vécu à travers le processus d’immigration.
Ainsi, Xiaojing Yan a-t-elle fabriqué un pont à partir de 1500 cuillères chinoises suspendues en l’air : “le pont c’est cette place unique d’où l’on peut regarder des deux côtés”, explique l’artiste. Un symbole fort de la capacité à connecter deux cultures, incarnée par l’immigrant. A partir d’un panneau en bois ancien décor d’un restaurant ontarien, Soheila Esfhani a créé un tryptique qui mêle des symboles typiquement canadiens - un vol de bernaches et de canards colverts - avec des ornements orientaux de type arabesques, gravéxs au laser, reprenant des motifs visibles sur la coupole de la mosquée de l’Imam à Ispahan. Jude Abu Zaineh travaille quant à elle la question de l’identité culturelle à travers la nourriture. “Comment appartenir à un nouvel endroit et se souvenir d’où l’on vient?” interroge la jeune femme. Elle utilise des grains de riz habilement disposés pour composer une série de mots HOME, qui si on la regarde de loin, donne l’impression d’un travail de broderie artisanale typique de la Palestine. “S’approcher, s’éloigner de l’oeuvre pour l’observer et la décrypter permet de ressentir ce questionnement de tout immigrant : suis-je ici ou là?” explicite Jude Abu Zaineh qui propose aussi une installation vidéo associant un grand écran et une petite télévision : elle oblige ainsi le visiteur à s’avancer et se reculer successivement pour regarder les images.
S’adapter à la culture de son pays d’adoption, tout en maintenant sa culture d’origine, tel est le défi que rencontre chaque immigrant. Pour Jude Abu Zaineh, ce sont des gestes ancestraux de fabrication des plats typiques de son pays qu’il faut perpétuer; pour Soheila Esfahani, c’est cette tradition iranienne de l’accueil du voyageur par un bol d’eau à boire; pour Xiaojing Yan c’est l’importance accordée en Chine aux cigales, parées d’une aura d’immortalité. Chacune le transforme ou le détourne : des restes de maklouba (une recette typique de Palestine) sont enfermés par Jude Abu Zaineh dans des boites de Petri pour voir comment ils évoluent; des bols d’eau disposés au sol par Soheila Esfahani forment une sorte de fontaine telles qu’on peut les voir dans les pays occidentaux où le visiteur jette une pièce et fait un voeu; des squelettes de cigales sont utilisés par Xiaojing Yan pour fabriquer un escalier qui permet de s’élever vers un endroit différent.
Ces trois artistes n’avaient jamais été exposées en France, ni ensemble. “C’est leur travail qui a fait le sujet de cette exposition et révélé des alliances et un dialogue sur la question de l’immigration et de l’identité”, assure Catherine Bédard, la commissaire de cette exposition baptisée “De l’art de vivre - sur l’immigration, la communauté et la migration des symboles”. Point commun de ces trois femmes qui viennent de pays différents : elles incarnent une immigration choisie et non subie. Soheila Esfahani est arrivée au Canada en 1992 pour des études, elle n’est jamais repartie. Xiaojing Yan est aussi venue poursuivre sa formation à Toronto en 2001, “pour découvrir le monde”, elle y est restée trois ans avant de partir aux Etats-Unis, puis de revenir au Canada. Quant à Jude Abu Zaineh, elle est arrivée adolescente au Canada, en 2006, depuis le Koweit : partie d’un autre pays que le sien, elle a vécu plusieurs expériences sucessives de migration.
Avec poésie et sensibilité, ces trois femmes nous aident à percevoir ce qu’immigrer veut dire : un voyage continu, un équilibre toujours instable entre deux cultures, mais aussi une source de transformations et de richesses inépuisables. Si vous passez par Paris, allez voir cette exposition aussi originale qu’étonnante. Et vous qui avez vécu cette expérience de l’immigration vers le Canada, n’hésitez pas à la partager en commentaire !
AGENDA
Mobilité jeunesse, atelier d’information en ligne proposé par l’Office franco-québécois pour la jeunesse, lundi 16 mai, 15h
Vivre et travailler au Canada et en Nouvelle-Ecosse, conférence organisée par l’ambassade du Canada en France, Centre culturel canadien à Paris, mercredi 18 mai, 14h30
Vous lancer au Canada, tables rondes virtuelles et rencontres avec des experts de l’implantation d’entreprises au Canada, un événement organisé par la CCI française au Canada, mercredi 18 mai, 14h-18h30
Travailler en tant que technologue en imagerie médicale au Québec, webinaire organisé par le ministère québécois de l’Immigration, mercredi 18 mai, 18h
Entreprendre au Québec, webinaire organisé par Mon projet au Canada avec Desjardins, mercredi 18 mai, 19h
Opportunités d’emploi pour les technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie et en électrophysiologie dans les régions du Québec, séance d’information en ligne organisée par Recrutement Santé Québec, mardi 24 mai, 18h
Découvrir la ville de Timmins (Ontario), webconférence organisée par Destination Canada, mercredi 25 mai, 16h
Travailler et s'installer au Québec, séance d’information organisée par le ministère québécois de l’Immigration, Cité des Métiers de la Villette, Paris, mercredi 25 mai, 17h
Travailler et s'installer au Québec, séance d’information en ligne organisée par le ministère québécois de l’Immigration, jeudi 26 mai, 18h
Journées Québec-France, inscription avant le 29 mai, entretiens d’embauche en ligne du 13 au 18 juin
Vivre en français dans le Centre Sud-ouest de l’Ontario, webconférence organisée par Destination Canada, mardi 31 mai, 16h
Immigrer à Terre-Neuve-et-Labrador, webinaire organisé par IRCC Canada, mardi 31 mai, 19h