Attache ta tuque vous promet d’aller au-delà des clichés. Mais pour une fois, des clichés, je vais vous en livrer plein. Pour votre plus grand bonheur.
Le Canada vous manque ? vous intrigue ? vous attire ? Difficile en ce moment d’assouvir une envie ou un besoin d’évasion alors que les frontières restent fermées pour cause de pandémie. Aux Parisiens épuisés par presque trois mois d’assignation à domicile, aux provinciaux qui se sentiraient trop à l’étroit dans les rues de la capitale, aux Canadiens expatriés qui seraient pris par le mal du pays, il reste une chose à faire : rejoindre le 130 rue du Faubourg Saint-Honoré, dans le 8eme arrondissement. Derrière la façade haussmannienne qui abrite le Centre culturel canadien (et à l’étage l’Ambassade du Canada) un joli voyage vous attend. Une virée au pays des grands espaces, des forêts et des lacs, une immersion dans le quotidien et l’âme des Canadiens à travers des images envoyées par 36 artistes et 23 citoyens.
Un pont jeté au-dessus de l’Atlantique
C’est un projet original et audacieux qu’a mené Catherine Bédard, la commissaire de l’exposition, pour cet événement qui marque les 50 ans du Centre culturel canadien à Paris. Un projet né des circonstances exceptionnelles que nous vivons depuis plus de six mois : la pandémie, le confinement, le déconfinement progressif. Au début de l’été, le Centre a lancé un appel aux artistes déjà accueillis dans ses murs en leur demandant d’envoyer en France trois images de leur univers. Comme un pont jeté au-dessus de l’Atlantique pour donner à voir leur pays, leur monde, leurs rêves ou leur quotidien aux Français coincés dans l’Hexagone. Et parce que la relation franco-canadienne est avant tout une histoire d’amitié, un autre appel a été adressé aux citoyens canadiens et français pour qu’ils envoient une photo de chez eux au peuple d’en face.
Le résultat est un voyage guidé par des flèches de toutes sortes qui vous emmènent d’abord dans une forêt d’images suspendues. Les flèches montent, descendent, vous invitent à faire un pas de côté, on lève les yeux, on se retourne, on se faufile dans d’imaginaires corridors, on se laisse guider au hasard … et on se régale : les images sont légères et puissantes, toujours par trois, elles offrent des triptyques tantôt poétiques, tantôt drôles, parfois inquiétants, tels ce radeau de la méduse des temps modernes aux personnages équipés de combinaisons de protection anti-virus ou ce portable allumé sur un lit, seul lien avec le monde d’une artiste, Isabelle Hayeur, qui n’en peut plus de rester entre quatre murs et d’éprouver une « vie nue ».
Un part de vérité et de réel
Mais l’essentiel du voyage nous conduit au cœur du Canada. Il commence d’ailleurs par une vision d’une langue de verdure au milieu des prairies de la Saskatchewan. « Vu du train » est un projet de Geoffrey James qui montre son pays depuis les vitres d’un train, ce chemin de fer si important dans la construction de la nation canadienne. On poursuit par un chêne imposant d’une forêt située sur la rive nord du lac Erié. La nature revient régulièrement dans les images, elle enveloppe le visiteur, s’impose à lui, et le cliché finit par lui sauter aux yeux. La déambulation permet alors de ressentir à quel point cette proximité des Canadiens avec la nature n’est pas un cliché, à quel point l’eau des lacs, le vol des oiseaux, la neige qui tombe et la glace qui se forme, tout cela est et influence le quotidien des Canadiens. Tout comme le fameux chalet. Du réalisateur Denys Arcand – avec sa fille Ming – au plasticien Michaël Snow (photo ci-dessus), en passant par Jana Sterbak, plusieurs artistes nous ouvrent les portes de ce refuge si intime, cet « endroit magique on l’on recommunique avec les arbres, les lacs et le gibier » dixit l’homme du Déclin de l’empire américain. Un lieu de reconnexion, de décompression, de création : la cabane au Canada n’est pas un mythe, elle est une vérité qu’on peut ici toucher du doigt. D’autres vérités se révèlent au fil des images, comme la présence autochtone, ou encore la rencontre des paysages urbains et des territoires vierges.
Le voyage se poursuit à l’étage où les citoyens canadiens offrent une vision de leur pays guère éloignée finalement de celle des artistes « reconnus ». Il se termine par un étonnant tableau du franco-canadien Hervé Fischer, qui rend hommage aux saisons et à la main invisible. Celle qu’un ami tend pour vous venir en aide… ou vous faire découvrir son univers. On sort de l’exposition comme d’un avion, encore chargé des émotions provoquées par ces images sincères et spontanées. Quand les clichés viennent des gens eux-mêmes, ils sont tout simplement une part du réel.
Si vous n’êtes pas à Paris, vous pouvez profiter de la version virtuelle de l’exposition, en ligne durant un an (elle ne reste qu’un mois au Centre culturel canadien).
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Merci Valérie. Votre amour du Québec bat très fort! merci beaucoup. André COUPET