Le Canada beaucoup en rêvent, certains le projettent, d’autres finissent par le vivre.
Mais de quel pays parle-t-on ? D’un pays qui s’est donné comme ambition d’atteindre 100 millions d’habitants en 2100 grâce à l’immigration (35 millions aujourd’hui), pour peupler la deuxième plus vaste étendue nationale au monde après la Russie.
Car ce pays se définit d’abord par sa géographie comme le rappelle Jean-Michel Demetz, auteur d’un bref et éclairant ouvrage consacré au Canada, publié dans la collection L’âme des peuples, aux éditions Nevicata, et sous-titré “Géographie de l’utopie”. Une belle promesse d’exploration.
Crédit: Mel Mel
Grand reporter puis rédacteur en chef adjoint du service Monde à L’Express jusqu’en 2016, ce journaliste féru d’Europe et d’Amérique, récipiendaire du prix Samuel de Champlain en 2010, a parcouru durant des années le Canada de long en large, au sens propre du terme. D’est en ouest bien sûr, de Toronto à Vancouver. Classique, me direz-vous. Mais aussi du sud – cette bande de 8000 km de long et de 160 km de large, frontalière des Etats-Unis, où vit 90% de la population canadienne - jusqu’au nord. Ce « Nord redouté et fantasmé », dixit l’auteur, que seul le “terrain” permet d’appréhender dans sa démesure, qu’il s’agisse de rejoindre Fort McMurray en Alberta, où sont exploités les sables bitumineux, à près de cinq heures de route de la capitale Edmonton, Iqaluit au Nunavut où ne vivent que 25 communautés inuites, ou encore les confins des Territoires du Nord-Ouest, « là où la forêt boréale encadre des lacs inconnus vastes comme la Belgique ».
De ses multiples reportages au Canada, Jean-Michel Demetz a tiré une intime connaissance du pays, de ses forces et de ses défis. Le premier d’entre eux reste la définition même de l’identité canadienne – l’auteur nous rappelle que l’Encyclopédie canadienne, pourtant une référence, la considère avec perplexité comme une « question controversée ». Difficile de définir le Canada en un mot, de le résumer en un symbole. Encore plus difficile de cerner les Canadiens, de les décrire au-delà des clichés (je vous les épargne, c’est la promesse de cette infolettre !) ou des boutades – « Comment reconnaître un Canadien dans une salle bondée ? C’est celui qui s’excuse quand vous lui marchez sur les pieds » rappelle Jean-Michel Demetz en guise de clin d’oeil et en introduction de son essai. Les Canadiens seraient trop gentils et trop vertueux pour susciter l’intérêt. Pire ennuyeux, car fuyant les polémiques, les critiques et les conflits…
Pourtant, dans le monde actuel dominé par les crises et les violences, l’utopie canadienne fait recette. Voilà un pays construit sur la diversité des origines (1 habitant sur 5 est né à l’étranger), sur le respect des différences culturelles et religieuses, et sur une paix civile garantie par la loi constitutionnelle. Pour comprendre comment cela peut fonctionner et tenter de saisir l’essence de l’âme canadienne, Jean-Michel Demetz nous raconte en plusieurs instantanés révélateurs cet Etat que l’actuel Premier ministre Justin Trudeau a qualifié en 2015 de “post-national” (!) puis interroge trois personnalités de haut vol : l’historien québécois Yvan Lamonde, l’ancien sénateur Serge Joyal et la femme d’affaires Joan Vogelesang, originaire des Caraïbes.
Serge Joyal explique magistralement les utopies qui ont fondé le Canada. La première, c’est celle organisant le rapprochement en 1840 entre Bas-Canada et Haut-Canada dans une seule entité politique, dans laquelle « des Anglais du Canada font le pari d’un vivre-ensemble avec une minorité française dont ils respectent le caractère distinctif », alors qu’eux-mêmes représentent la force dominante. Les Canadiens français pourront continuer à parler leur langue et pratiquer leur religion. Plus tard, la Constitution mettra sur un pied d’égalité francophones et anglophones, alors que la réalité démographique et économique est toute autre, souligne Serge Joyal. La naissance de la Confédération en 1867 est le résultat d’un compromis, « un signe de concession symbolique du pouvoir » aux Canadiens français décrypte de son côté Yvan Lamonde. Une concession que les francophones sauront saisir puisqu’ils feront du gouvernement à Ottawa une de leur place forte.
La deuxième utopie, c’est celle de la loi sur les langues officielles, introduite en 1969 par le Premier ministre libéral Pierre Elliott Trudeau. « Elle reconnaît deux langues officielles égales, l’anglais et le français, alors que le rapport de force dans le pays est d’un à quatre », rappelle Serge Joyal.
Autre utopie, et non des moindres : celle portée par la Charte canadienne des droits et libertés, promulguée en 1982. Elle donne le pouvoir à un individu de « forcer son gouvernement à reconnaître ses droits et libertés », et ce avec l’aide de l’argent public. Un dispositif unique au monde, assure Serge Joyal qui en a été l’un des instigateurs.
Cette utopie-là porte finalement en germes ce qui définit le Canada : une capacité à faire sa place à l’étranger quelles que soient son origine, sa langue, sa religion, son orientation sexuelle, sa position sociale et ses opinions. Une capacité à trouver des voies de compromis, de conciliation. Voire de réconciliation. Car plus que dans tout autre pays, l’histoire du Canada, pays jeune s’il en est, n’est pas figée. Elle n’est même pas consensuelle, selon Yvan Lamonde, qui y voit d’ailleurs « le meilleur indicateur pour penser l’histoire du Canada contemporain ». Chacun l’interprète en fonction de son point de vue, francophone ou anglophone, habitant l’est ou l’ouest, immigrant ou pas. Et de nouveaux événements, y compris douloureux comme le drame des pensionnats autochtones, permettent de la revisiter. Ce qui fait la force du Canada, croit savoir Serge Joyal, c’est sa souplesse. C’est aussi selon Joan Vogelesang le fait que « les gens qui sont venus ici ont choisi le Canada ».
Alors oui, sans aucun doute, le Canada est une utopie : un pays perpétuellement en construction, dont l’identité évolue avec sa population, portée par une volonté à la fois individuelle et collective de perpétuer le mythe qui a attiré chacun de ses occupants sur cette terre.
AGENDA
Mobilité jeunesse, atelier d’information en ligne organisé par l’Office franco-québécois pour la jeunesse, lundi 30 mai, 15h
Trouver un emploi ou un stage au Québec, atelier organisé par le CIDJ, 4 place du Louvre, 75001 Paris, mercredi 1er juin, 14h30
Ce qu'un entrepreneur ou une entreprise doit savoir pour s'implanter au Canada, webinaire organisé par Fusacq avec Classe Affaires, jeudi 2 juin, 15h
Vivre en français en Nouvelle-Ecosse, webconférence organisée par Destination Canada, jeudi 2 juin, 17h
Etudier, s’installer, travailler, vivre au Canada, forum d’information organisé par Air Canada, Auberge de jeunesse HI Stéphane Hessel, 235, boulevard Paul Painlevé à Lille, mercredi 8 juin, 9h - 18h
Vivre et travailler au Canada et au Nouveau-Brunswick, réunion d’information organisée par l’ambassade du Canada en France et le ministère canadien de l’Immigration, Centre Culturel Canadien, 130 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris, et en ligne, jeudi 9 juin, 15h
Je cherche un job au Canada, webinaire proposé par Mon projet au Canada avec Desjardins, mercredi 9 juin, 19h
Journées mobilité Canada, organisées par l’ambassade du Canada en France, à Lyon, samedi 11 juin, sessions à 10h et 15h
Journée mobilité Canada, organisées par l’ambassade du Canada en France, à Toulouse, dimanche 12 juin, 15h
Recruter des talents en France et au Québec, conférence organisée à Paris par la société Fauve et le Cercle des dirigeants d’entreprises franco-québécoises, jeudi 16 juin, 17h