Immigrer au Canada, je l’ai déjà écrit ici, n’est pas un parcours facile, c’est long, complexe, procédural, parfois fastidieux. Sans doute une façon aussi pour le pays à la feuille d’érable d’éprouver la motivation des candidats à l’immigration. En période de pandémie, c’est encore plus compliqué, et les médias canadiens se font depuis plusieurs semaines régulièrement l’écho des délais qui s’allongent, des situations désespérées de travailleurs temporaires déjà installés dont le visa va expirer et qui n’ont pas encore obtenu leur résidence permanente, ou de personnes en partance qui attendent depuis des mois le précieux sésame.
Et pourtant, le Canada réaffirme dès qu’il le peut sa volonté et son besoin d’accueillir des immigrants. Il promet aussi de dérouler le tapis rouge aux francophones. Double discours ? Non, cet écart apparent est en fait le premier élément qui vous fait toucher du doigt la dimension culturelle de l’affaire : certes, on fait tout pour vous attirer mais c’est à vous de démontrer votre valeur pour le pays et d’assumer le coût de cette aventure (au sens propre et figuré) !
Je ne résiste pas au plaisir de le résumer avec cette image en forme de clin d’oeil…
Crédit : istock
Une fois le parcours du combattant accompli - et réussi -, les nouveaux arrivants ont tendance à ne vouloir garder en souvenir que le meilleur. Réflexe bien naturel de survie quand on plonge dans un milieu inconnu et que l’adaptation est la condition de l’intégration. Ils passent aussi par de nombreuses phases, qu’ont identifiées plusieurs chercheurs (et en fait, il suffit d’émigrer pour l’expérimenter soi-même) : l’euphorie des premières semaines, le blues de l’hiver et de l’éloignement après les premiers mois, puis l’acceptation du réel, plus tard encore le plaisir de se sentir (presque) à l’aise et enfin le moment critique où l’on se demande si l’on reste ou si l’on rentre.
Prendre du recul
Une des façons de bien (mieux) vivre ses premières années d’immigration, c’est de les raconter, de les questionner et de les partager avec de nouveaux ou futurs arrivants. Cela aide à prendre du recul ! De nombreux blogs existent, tenus par des francophones ayant posé leurs valises au Canada. Astrid en Ontario, Jean-Michel au Québec, Flora au Nouveau-Brunswick, ont pris des voies originales.
Astrid Moulin est arrivée à Toronto, en 2014, à l’âge de 26 ans, avec un visa Programme-Vacances-Travail en poche. Originaire de l’Ardèche, la jeune femme tient un blog Fringinto depuis son installation au Canada. Aléas de la vie quotidienne et professionnelle, elle se raconte et se met en scène (y compris en photo) avec humour et authenticité. Elle partage ses “tips” utiles à tout nouvel expatrié. Pendant la pandémie, cette spécialiste du marketing digital, qui travaille en free-lance, a commencé à poster des vidéos sur youtube, et voilà un mois, elle a lancé une série de courtes capsules sur le thème “Vivre au Canada”. A regarder si le débit ultra-rapide de cette incorrigible bavarde ne vous effraie pas !
Jean-Michel Lhomme, lui, a fait le grand saut à 46 ans, avec sa femme et ses trois enfants, et après vingt ans de carrière à Paris dans la communication, la pub et le marketing. Direction le Québec, à l’automne 2020, en pleine pandémie. Six mois plus tard, ce passionné de radio propose un podcast “Fais-tu frette”, pour “expliquer le Québec de tous les jours à un Français fraichement débarqué”. Il reçoit chaque semaine une personnalité québécoise pour un dialogue autour des réalités qui surprennent le nouvel arrivant : la langue, l’humour, la météo, la “bouffe”, etc. Avec la spontanéité du gars encore tout frais dans sa découverte de la Belle province (et le ton d’un fan de radio trop content de retrouver les ondes). En prime, une playlist bien sympa pour plonger dans la musicalité québécoise.
Reconnaissance
Quant à Flora Gassier-Cintrat , elle a débarqué à l’été 2019, avec son mari et sa petite fille de 21 mois, au Nouveau-Brunswick. A Fredericton exactement. Elle ne cache rien dans son blog Révélation NB des difficultés et appréhensions liées à ce choix de vie. Mais surtout, cette ancienne de la Gendarmerie nationale française devenue consultante en ressources humaines pour le ministère du Tourisme, du Patrimoine et de la Culture de la province, déborde d’enthousiasme pour le territoire qui l’a accueillie.
“Je suis très reconnaissante de l'accueil chaleureux que nous avons reçu et je voulais partager notre expérience positive pour que les gens sachent que, malgré le dur travail à faire pour venir, nous pouvons réussir et contribuer à l'économie du Nouveau-Brunswick et faire quelque chose de grand pour notre " nouveau foyer "“, explique-t-elle. Le volet touristique de son blog est donc le plus nourri, même si la pandémie a quelque peu ralenti ses publications. La jeune femme a même créé un mot-dièse #RevelationNB, pour “rendre hommage” sur les réseaux sociaux “à nos paysages magiques, à nos entreprises locales, pour montrer notre diversité qui est notre force”. Une promotion inespérée pour la seule province officiellement bilingue du Canada, qui souffre de la concurrence de l’Ontario et du Québec quand il s’agit d’attirer des immigrants.
Evidemment, de tels exercices, qu’ils soient écrits, filmés ou audios, sont empreints de subjectivité. Ce sont aussi des outils bien utiles pour se faire connaître (et reconnaître) dans son nouvel environnement, démontrer ses compétences, sa capacité d’écoute et d’initiative. Tout en offrant aux autres avec générosité une part de son aventure : ce fameux “give-back” (pardon pour l’anglais) caractéristique de la société canadienne. Savoir rendre à la communauté ce qu’elle vous a donné, voilà une des clés de l’intégration au Canada.
A suivre cette semaine
Mobilité jeunesse, atelier d’information en ligne, proposé par l’Office Franco-Québécois pour la Jeunesse, lundi 12 avril, 15h
Séance d’information en anglais sur les Journées Québec France, organisée par le ministère québécois de l’Immigration, mardi 13 avril, 18h
Préparer financièrement son projet au Canada, événement en ligne proposé par la Cabane Desjardins, mardi 13 avril, 19h
Rencontre avec l’écrivaine québécoise Kim Thuy, organisée par le Centre culturel canadien à Paris, en ligne, jeudi 15 avril, 20h
Rencontre avec l’autrice-compositrice et interprète canadienne Beyries, organisée par le Centre culturel canadien à Paris, en ligne, vendredi 16 avril, 20h