Au Canada, on aime les mots. Le pays abrite de très grands écrivains, parmi lesquels Margaret Atwood, Mordecai Richler, Michel Tremblay, Gabrielle Roy, Dany Laferrière, Alice Munro (prix Nobel de littérature en 2013), et bien d’autres.
Crédit : Olivier Bousquet (Murale réalisée en 2015 à Montréal, par La Camaraderie, avenue Savoie)
Au Canada, on sait l’importance de la langue puisqu’on navigue en permanence entre l’anglais et le français. On les mélange même parfois, sans complexe. Au Québec, on chérit le français sans craindre de le faire évoluer. Chaque fin d’année, avant de passer à la suivante, l’Office québécois de la langue française retient les 12 mots qui ont marqué les 12 mois écoulés. Parmi ceux de 2020 (je vous fais grâce de Covid-19), j’ai beaucoup aimé la “bulle” (groupe fermé qui réunit des personnes autorisées à se côtoyer ou à partager des activités, en situation de pandémie), le “visionnage en rafale” (pratique consistant à regarder plusieurs épisodes d'une émission, généralement une série télévisée, les uns à la suite des autres et sans interruption, activité de prédilection en situation de pandémie) ou encore le “nouvel âge spatial” (renouvellement de l'industrie aérospatiale qui tend à démocratiser l’accès à l’espace, perspective réconfortante en situation de pandémie).
Non content de valoriser des nouveaux mots ou expressions, l’Office québécois de la langue française invite aussi depuis deux ans la population à voter pour son toponyme coup de foudre. Chaque année, plus d’un millier de nouveaux lieux sont baptisés, des lacs (la province en compte des dizaines de milliers, dont beaucoup ne portent pas de noms), des parcs, des chemins, des rues, etc. Parmi ces nouveaux patronymes, l’OQLF en sélectionne 12, pour leur originalité et leur valeur poétique, qui sont donc soumis au vote du public. En 2021, les internautes auront notamment à choisir entre la Chute des pitounes volantes, la Gueule de la damnée ou encore le Parc-du-Ruisseau-du-pont-à-l’avoine. De quoi faire rêver le futur visiteur (pour situer ces lieux plein d’évocation, c’est ici).
Les Québécois ont aussi inventé l’an dernier des expressions pour faire face à la crise sanitaire : “ça va bien aller”, reflet d’un optimisme qui force l’admiration ; les “anges gardiens”, pour honorer les travailleurs et travailleuses de la santé, premiers sur la ligne de front, ou encore les “covidiots” pour désigner et dénoncer les citoyens irresponsables dans cette pandémie (ceux qui toussent sur un terminal de paiement, crachent dans la rue ou manifestent en groupe contre le confinement).
Pourquoi je vous raconte tout cela ? Parce que la langue est le fruit d’une histoire, d’une culture et d’un contexte. Et que la littérature en est l’expression vivante, personnelle, exprimée par un auteur. Aussi la mésaventure vécue à l’automne dernier par une chargée de cours de l’université McGill à Montréal (et signalée par un fidèle lecteur d’Attache ta tuque) est-elle terrifiante. Elle a été racontée dans le détail par La Presse, je vais essayer de la résumer en quelques lignes : cette jeune enseignante en littérature québécoise avait choisi des grands classiques à étudier avec ses élèves. Sauf que dans l’un des ouvrages, les étudiants ont soudain vu “le mot en N” (nègre). Puis dans un autre, “le mot en S” (sauvage).
La prof se voit accusée de racisme, pour avoir prononcé ces mots ou tout simplement avoir osé présenter des textes qui les utilisent. Sa hiérarchie lui conseille de passer en revue les textes, d’anticiper les mots qui choquent, voire de ne pas étudier les passages qui les contiennent. Au même moment, à l’université d’Ottawa, l’affaire Lieutenant-Duval fait rage : une professeur qui a prononcé un mot jugé tabou par les étudiants est brutalement remerciée. La chargée de cours de McGill préfère ne pas faire de vague. La censure gagne du terrain. Elle s’est déchaînée aussi quelques semaines plus tôt à l’université Concordia, contre une enseignante qui avait cité à deux reprises, en anglais, le titre d’un livre publié en 1968, Nègres blancs d’Amérique, de Pierre Vallières.
Le Canada, terre d’accueil de toutes les cultures et pays de la tolérance par excellence, est-il en train de perdre ses valeurs d’ouverture et de dialogue, sous l’influence de la “culture du bannissement”, très en vogue aux Etats-Unis ? La question se pose, alors que nombre de jeunes Français rêvent encore de venir étudier sur les campus canadiens, et notamment québécois, dès que les frontières ré-ouvriront.
Certes les Français savent qu’au Canada en général, et au Québec en particulier, on n’est pas très friand de polémiques et de débats idéologiques enflammés : la réserve prévaut dans les discussions entre collègues et amis, pour ne pas froisser son interlocuteur. Mais que l’université ne puisse rester un espace d’expression et de confrontation des points de vue (présents ou passé), voilà qui devient franchement inquiétant.
A suivre cette semaine
Gestion de son patrimoine dans un contexte franco-québécois, atelier en ligne organisé par la Cabane Desjardins, mardi 2 février, 12 h
Quelles propositions pour la relance économique du Canada?, webinaire organisé par la Chambre de commerce France-Canada, avec Monique Leroux, présidente du Conseil canadien sur la stratégie industrielle , mardi 2 février, 15h
Covid-19, impact sur l’immigration, webinaire organisé par la Citim, mardi 2 février, 16h30 heure de Montréal
Tout savoir sur le VIE, webinaire organisé par la Chambre de commerce française au Canada pour des entreprises françaises souhaitant s’implanter au Canada, mercredi 3 février, 8h30
Session d'information sur les études de premier cycle universitaire et sur les études techniques (BTS - DUT) au Canada, mercredi 3 février, 14h
Le marché des cols bleus au Québec, atelier en ligne organisé par la Cabane Desjardins, mercredi 3 février, 19h
Session d'information sur les études de Maîtrise et doctorat au Canada, jeudi 4 février, 14h
L’immigration décodée, webinaire organisé par la Cabane Desjardins pour faire le point sur les dernières mesures d’immigration, jeudi 4 février, 15h
Destination Universités Québec, salon virtuel regroupant 16 universités/écoles québécoises, mercredi 10 février, de 10 h à 20h
Séance d’information sur les Journées Québec France, organisée par le ministère de l’immigration du Québec, jeudi 11 février, 16h
Il est temps de s’inscrire
Destination Canada, le forum mobilité vers le Canada, du 26 au 28 février, de 14h à 21h
J'ai des amis canadiens qui ont habité la "rue du Sauvage mouillé"
Ne peut on assister aux ateliers sans profil Facebook ?? Merci