« Ça prend toutes sortes de monde pour faire un monde » . Cette phrase, certains ont dû l’entendre plus d’une fois au Québec. Version canadienne francophone du proverbe français “il faut de tout pour faire un monde”. Et illustration d’une tolérance réelle à la différence chez nos amis canadiens.
Parmi les quelque 37,5 millions de personnes vivant au Canada, il y aurait environ 100 000 Français. Pendant longtemps, la France a fait partie des 10 principaux pays sources de nouveaux résidents permanents pour le Canada, avec environ 5 à 6000 personnes admises par an. Juste devant le Royaume-Uni (avec lequel le Canada partage pourtant la Couronne), mais loin derrière l’Inde, la Chine ou encore les Philippines. Pour la première fois en 2019, qui a vu le Canada accueillir un record de 341 000 nouveaux résidents permanents, la France est sortie de ce top 10, dépassée par la Corée du Sud et l’Iran, tandis que l’Inde et la Chine fournissait toujours les plus gros contingents de nouveaux résidents permanents (respectivement plus de 85 000 et plus de 30 000 personnes).
Le meilleur des deux mondes
Est-ce à dire que les Français seraient moins attirés par le Canada ? Je ne le crois pas. Mais la démographie vieillissante de la France n’en fait pas un pays propice à l’émigration : quitter sa terre natale est en général une aventure que l’on tente jeune. Motivé par le goût du risque, de la découverte, de l’inconnu. Et souvent avec l’espoir d’obtenir une meilleure situation.
A cet égard, le Canada a longtemps fait figure de “meilleur des deux mondes” pour les Français tentés par une expatriation en Amérique du Nord. Il le serait toujours, et notamment le Québec, d’après Léo Trespeuch, professeur à l’école de gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Léo est un Français qui a émigré en 2014 au Québec, en suivant sa conjointe, engagée par l’Uqam. Le couple a obtenu sa résidence permanente il y a un an et demi seulement, et a connu plusieurs renouvellements de permis temporaire avant d’être sécurisé dans son statut. Il a éprouvé toute la complexité du parcours administratif, notamment dans sa dimension numérique. “Et pourtant, je suis professeur de marketing digital”, soupire Léo.
Avec trois autres professeurs, tous Français d’origine, Henri Paratte à Acadia, David Pavot à Sherbrooke et Elisabeth Robinot à l’Uqam, Léo Trespeuch a lancé une étude auprès des Français inscrits sur les registres consulaires au Canada pour mieux les connaître. Le projet n’est pas complètement désintéressé : Léo a constitué une liste “Nous Français de l’étranger” pour les élections consulaires qui se tiennent du 21 au 29 mai prochain.
Mais les enseignements de son étude valent qu’on s’y arrête : 700 personnes y ont répondu. Leur portrait-robot confirme une intuition largement partagée : “Le profil le plus commun du Français qui vit au Canada est un quadragénaire, né en France, qui travaille et vit au Québec, plus précisément à Montréal”, écrivent les auteurs de l’étude dans un article publié dans The Conversation.
Accéder à des soins de qualité
On y découvre en revanche que la principale préoccupation des Français installés au Canada est la santé (et ce alors que le pays a été moins frappé que la France par la pandémie de Covid, hormis la ville de Montréal). Comprendre le système de soins, avoir accès à un médecin de ville, être bien remboursé : autant de sujets d’inquiétude. Pourtant, la santé fait bien partie de ces éléments qui alimentent la vision d’un Canada “meilleur des deux mondes”, entre le libéralisme échevelé des Etats-Unis et la protection sociale généreuse de la France. La santé et l’emploi, puisque le pays à la feuille d’érable apparaît à la fois comme une terre d’opportunités professionnelles et comme un environnement moins brutal que les Etats-Unis pour le salarié mais plus souple que la France pour l’entrepreneur.
D’ailleurs on sera sans doute surpris de constater que 70% des répondants à l’enquête menée par Mrs Trespeuch, Pavot et Mme Robinot sont des salariés, avec pour la majorité d’entre eux une situation professionnelle plus enviable que celle laissée dans leur pays d’origine. L’emploi ne serait donc pas un défi si terrible pour l’immigrant français au Canada. En revanche, l’éducation (avec la question de la reconnaissance des diplômes) est aussi un sujet de préoccupation : qu’il s’agisse de la possibilité d’offrir une éducation en français à ses enfants, et aussi de pouvoir naviguer entre les deux systèmes, français et canadiens.
Se faire des amis
Mais le plus dur, pour les 100 000 Français installés au Canada serait ailleurs. Et ce n’est même pas une question de climat. Non, le plus difficile pour eux résiderait dans leur capacité à s’intégrer à la société canadienne, et tout particulièrement à créer des liens amicaux avec les Canadiens de souche (si tant est que ce terme ait un sens, puisque 1 Canadien sur 5 est né à l’étranger). Leurs amis sont souvent eux-mêmes des immigrés ou enfants d’immigrés.
“Nos amis canadiens”, voilà qui serait donc un mythe, bien plus que “le meilleur des deux mondes” ? Amis à travers l’histoire, la culture, les relations internationales mais plus difficilement dans la vie quotidienne ? A moins que l’on touche là à une différence irréductible entre nos deux peuples, sur la conception même de l’amitié. Des liens qui en France se construisent dans le temps, tandis qu’au Canada, ils se définissent avant tout dans l’espace, par cercles (le travail, les loisirs, l’école des enfants, les engagements bénévoles, etc.).
Si les Français émigrés au Canada ont le sentiment de ne pas avoir d’amis canadiens, les Canadiens eux sont sûrs d’avoir plein d’amis français !
A suivre cette semaine
Comment reprendre une entreprise au Québec ? webinaire organisé par Desjardins, mardi 18 mai, 12h
Atelier logement et finances au Québec, organisé en ligne par Québec en tournée, mardi 18 mai, 18h, payant
Rencontre avec l’écrivaine canadienne Nancy Huston à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage, organisée en ligne par l’Alliance Française et le CE RATP, mardi 18 mai, 19h
Les normes de travail au Québec, atelier organisé par la Citim, à destination des personnes immigrantes à la recherche d'un emploi à Montréal, mardi 18 mai, 9h30-12h, heure de Montréal
Séance d’information sur les Journées Québec France avec Actiris, organisée en ligne par le ministère de l’Immigration du Québec à destination du public belge, mercredi 19 mai, 14h
Vous lancer au Canada ! événement organisé par la CCI française au Canada, mercredi 19 mai, 14h30 à 17h30, payant
Décoder les valeurs et les attentes des employeurs au Québec, atelier organisé par la Citim, à destination des personnes immigrantes à la recherche d'un emploi à Montréal, jeudi 20 mai, 9h30-12h, heure de Montréal
Immigrer au Canada en tant que travailleur, quelle voie choisir ? Webinaire organisé par le cabinet Immetis, jeudi 20 mai, 20h
Séance d’information en anglais sur les Journées Québec France, organisée en ligne par le ministère de l’Immigration du Québec, vendredi 21 mai, 18h
Journées Québec France, inscriptions en ligne jusqu’au 25 mai