Le Canada recèle de nombreuses surprises pour les immigrants, notamment pour ceux d’origine française. La suprématie des droits individuels en fait partie. La dernière actualité législative à Ottawa en est une parfaite illustration. Le Sénat a adopté il y a quelques jours un projet de loi validé par les élus de la Chambre des Communes, qui élargit l’aide médicale à mourir. Celle-ci n’est désormais plus réservée aux seules personnes, souffrant d’un problème de santé “grave et irrémédiable”, dont la mort naturelle est “raisonnablement prévisible”, comme cela était le cas depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2016.
Crédit : Parlement du Canada - Une séance au Sénat en 2016
L’origine de ce changement qui va en choquer plus d’un (le texte a toutefois été voté par 60 voix contre 25 au Sénat) est à trouver du côté d’un texte essentiel pour les Canadiens : la Charte canadienne des droits et libertés, datant de 1982. Cette Charte constitue le fondement de la société canadienne moderne - elle est d’ailleurs enchâssée dans la loi constitutionnelle du pays. Même pour des ressortissants de la nation qui a inventé la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en 1789, ce texte est surprenant : il permet au citoyen de se protéger contre les actions, décisions et lois du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. Surtout, il met les droits de la personne au centre du jeu. Et au coeur de l’identité canadienne.
Des citoyens et des causes
C’est ainsi qu’au Québec, deux personnes souffrant de maladies incurables, Jean Truchon et Nicole Gladu, avaient attaqué devant la justice la loi fédérale qui restreignait l’aide médicale à mourir à ceux dont « la mort naturelle est raisonnablement prévisible » et la loi québécoise qui exigeait pour accéder à cette aide à mourir d’être « en fin de vie ». Tous deux étaient atteints de maladies dégénératives incurables, mais ne pouvaient bénéficier d’un accompagnement à mourir car ils n’étaient pas en fin de vie. En septembre 2019, la Cour supérieure du Québec leur avait donné raison : dans son jugement, elle considérait que les critères posés par les lois provinciale et fédérale pour recevoir l’aide à mourir étaient trop restrictifs et discriminatoires. En clair, ces critères contrevenaient aux droits fondamentaux inscrits dans la Charte canadienne des droits et libertés.
C’est au nom du respect de ces mêmes droits fondamentaux qu’au fil des années, nombre de causes ont été portées - et gagnées- devant la justice canadienne par des citoyens s’estimant lésés ou discriminés, qu’il s’agisse des autochtones, des minorités visibles, des minorités linguistiques ou des minorités sexuelles. Au total, selon le ministère fédéral de la Justice, des dizaines de causes ont trouvé une reconnaissance concrète depuis la mise en oeuvre de la Charte. Cela va du droit à la liberté réligieuse à l’école au droit à l’enseignement en français en passant par le droit de vote des détenus et celui des citoyens canadiens non résidents.
Cimenter un peuple
Pour le sénateur Serge Joyal, qui a largement contribué à l’écriture de la Charte et en a été un inlassable défenseur tout au long de sa carrière, “la Charte a permis de façonner un nouveau pays où l’égalité des droits et la garantie de la liberté de chacun raffermissent l’attachement de tous à leur nation”.
L’existence de la Charte eexplique sans doute le niveau de confiance assez élevé des Canadiens dans leurs institutions : chaque citoyen sait qu’il peut agir en justice pour corriger une loi qui lui porterait préjudice. Au-dessus de la majorité parlementaire, il y a donc le droit individuel… et l’oeil des juges.
C’est aussi une façon pour le Canada, grand pays d’immigration (1 Canadien sur 5 est né à l’étranger) d’attirer et de rassurer les nouveaux venus : ils pourront être reconnus et respectés en tant que personne, quelles que soient leurs caractéristiques. Aux yeux de certains observateurs, voilà qui constitue un fil assez ténu pour cimenter un peuple. Pour d’autres, c’est au contraire la grande force du pays, celle qui lui permet de faire coexister pacifiquement de nombreuses et différentes communautés.
Une chose est sûre : cela contribue à faire du Canada un pays particulièrement progressiste dans le domaine des comportements sociaux. Car, comme le soulignait Serge Joyal dans un article écrit pour L’Express en juin 2017, “le citoyen lui-même est le moteur de cette évolution permanente”. D’après des sondages publiés début 2020, les Canadiens soutenaient massivement l’élargissement de l’aide à mourir. Un an plus tard, c’est donc fait et la loi fédérale C-7 a été promulguée dès la semaine dernière. Elle ouvre également la voie d’ici deux ans à la possibilité d’autoriser l’aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de problèmes de santé mentale… un sujet beaucoup moins consensuel à ce stade dans le pays.
Au même moment, de l’autre côté de l’Atlantique, l’Espagne devenait le cinquième pays européen à légaliser l’euthanasie, rejoignant ainsi les deux seuls pays du Commonwealth - le Canada et la Nouvelle-Zélande - disposant déjà d’un cadre autorisant l’aide à mourir.
A suivre cette semaine
Journées Québec Monde, du 12 au 16 avril, en ligne. Lundi 22 mars, dernier jour pour postuler
Mobilité jeunesse, atelier d’information en ligne organisé par l’Office franco-québécois pour la jeunesse, lundi 22 mars, 15h
Comment HEC Montréal favorise les échanges entre le Québec et la France, webinaire organisé par le Cercle des dirigeants d’entreprises franco-québécois, mardi 23 mars, 17h
Travailler et s’installer au Québec, atelier d’information organisé par le ministère québécois de l’Immigration, mercredi 24 mars, 18h