Je vous ai laissé avec une pandémie qui touchait à sa fin, je vous retrouve avec une guerre aux portes de l’Europe. Si les Etats-membres de l’Union européenne sont concernés au premier chef par l’invasion russe en Ukraine (le pays partage sa frontière avec quatre Etats de l’UE - Pologne, Slovaquie, Hongrie, Roumanie - et a déposé en urgence une demande d’adhésion à l’UE), les Canadiens sont loin d’être indifférents au sort des Ukrainiens. Ils ne l’ont d’ailleurs jamais été.
Le 27 février, la vice-première ministre canadienne (au centre en tunique blanche et rouge, et sans masque) participait à une manifestation de soutien au peuple ukrainien. Crédit : Chrystia Freeland/Twitter.
Et pour cause : le Canada abrite la deuxième communauté ukrainienne à l’étranger, après la Russie. Ils sont environ 1,3 à 1,4 million de Canadiens d’origine ukrainienne, installés majoritairement dans les prairies (Manitoba, Saskatchewan). Les premiers sont arrivés à la fin du 19e siècle, attirés par la promesse de terres à cultiver dans l’ouest du pays, offertes pour une bouchée de pain par le gouvernement fédéral. Du grenier à blé de l’Europe à celui du Canada… ils sont d’abord agriculteurs. Mais certains vont aussi travailler dans des mines ou des usines textile. D’autres vagues d’immigration suivent, après la première guerre mondiale, puis la seconde au cours de laquelle l’Ontario devient une estination privilégiée. Plus récemment, la dislocation de l’URSS en 1991, ou encore la guerre de Crimée en 2014, ont poussé des Ukrainiens à rejoindre le Canada. Selon le recensement de 2016, les Canadiens d’origine ukrainienne représentaient 9 % de la population de l’Alberta, 13 % de la Saskatchewan et 15 % du Manitoba. Au total, les Canadiens d’origine ukrainienne représentent 3,8% de la population canadienne; la majorité sont nés au Canada.
Parmi eux, il y a Chrystia Freeland, la vice-Première ministre et ministre des Finances du Canada. Cette ancienne journaliste, née il y a 53 ans en Alberta, est d’origine ukrainienne par sa mère, dont la famille a émigré au Canada dans les années 1950, après être passée par la Pologne puis l’Allemagne. Ses grands-parents maternels avaient fui l’Ukraine après la signature du pacte de non‑agression germano‑soviétique de 1939. Après des études en histoire et littérature russe, elle a commencé sa carrière de journaliste comme correspondante en Ukraine pour différents titres anglo-saxons, avant de diriger le bureau du Financial Times à Moscou de 1994 à 1998. Autant dire que la dame connaît très bien le terrain local, elle a même publié en 2000 un ouvrage sur le basculement de la Russie du communisme vers le capitalisme et les tensions que cela a généré.
Elue députée libérale à Toronto, à l’automne 2013, Chrystia Freeland fut conduite à évoquer l’Ukraine dès sa première intervention à la Chambre des communes, le 27 janvier 2014, alors que les manifestations pro-européennes en Ukraine étaient marquées par de fortes violences perpétrées par le régime du président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovitch (il finira par être renversé le 22 février 2014). “Ma mère est née dans un camp de réfugiés, a-t-elle alors raconté. À l'instar de bien d'autres Canadiens d'origine ukrainienne, ses parents, ses trois soeurs et elle-même étaient ravis de trouver refuge au Canada. Ils éprouvaient tellement de gratitude et d'émerveillement à l'égard du Canada et de ce que le pays avait à offrir que mon grand-père ne pouvait tolérer que l'on critique le gouvernement canadien sous son toit, quel que soit le parti au pouvoir.” Elle s’était ensuite livrée à un vibrant plaidoyer en faveur de la démocratie en Ukraine et avait réclamé avec vigueur des sanctions contre le pouvoir en place et ses alliés.
Le 22 février dernier, Ottawa a imposé des sanctions économiques et financières à la Russie dès la reconnaissance par Moscou de l’indépendance des républiques séparatistes pro-russes du Donbass. Puis le gouvernement fédéral a soutenu les initiatives européennes et américaines pour débrancher les banques russes de la plate-forme de communication internationale bancaire Swift. Le 3 mars, le Canada allait un cran plus loin, retirant à la Russie et à la Biélorussie leur statut de “nation favorisée” dans les échanges commerciaux : les exportations en provenance de ces deux pays sont désormais taxées à 35%. Un niveau jusque là imposé seulement à la Corée du Nord. Par ailleurs, la liste des personnes et sociétés faisant l’objet de sanctions économiques et financières de la part du Canada s’est allongée jusqu’à atteindre 1000 noms.
L’attention du Canada à l’Ukraine n’est pas nouvelle. En 1991, il avait été avec la Pologne l’un des premiers pays à reconnaître l’indépendance de l’Ukraine. Mais nul doute que la présence de Chrystia Freeland au côté de Justin Trudeau pèse lourd dans la réaction actuelle d’Ottawa à l’agression russe. La vice-première ministre a eu des mots très durs pour Vladimir Poutine - “il consolide sa place parmi les dictateurs européens déchus qui ont provoqué un carnage semblable au cours du 20e siècle” a-t-elle déclaré le 24 février, ajoutant : “Cette attaque barbare ne peut pas — et ne sera pas — autorisée à réussir.” Une détermination qui tranche selon les observateurs avec le ton habituellement plus consensuel d’un Justin Trudeau préfèrant largement la compassion à la confrontation. Avec panache, dans son intervention du 24 février, Chrystia Freeland s’est adressée alternativement aux Ukrainiens et aux Russes dans leur propre langue. Son attitude dans cette crise conforte tous ceux qui voient en elle la figure idéale pour succéder à Justin Trudeau à la tête du parti libéral du Canada, et pourquoi pas du pays.
Non seulement le Canada participe avec force aux sanctions économiques et financières, mais il envoie aussi du matériel et des armes aux forces ukrainiennes. Enfin, Ottawa a annoncé vendredi la mise en place de programmes d’accueil spécifiques pour les réfugiés ukrainiens. Le pays est prêt à accueillir autant de réfugiés ukrainiens qu'il le faudra, a affirmé le ministre en charge de l’Immigration. Une autorisation de voyage d’urgence va être créée, permettant un traitement accéléré des demandes, depuis les pays de l’Est recevant déjà des milliers de réfugiés. Des visas de deux ans seront délivrés permettant aux personnes de travailler ou d’étudier au Canada. Les provinces du Manitoba et de Saskatchewan, des villes comme Winnipeg ou Montréal ont déjà manifesté leur intention d’accueillir des réfugiés.
L’expertise du Canada dans l’accueil et l’intégration de réfugiés est indéniable. Au plus fort de la crise syrienne, entre le 4 novembre 2015 et le 31 décembre 2016, en quatorze mois donc, le pays avait réussi à faire venir plus de 39 600 réfugiés syriens. Il y a quelques jours, le ministre de l’Immigration annonçait que 8500 Afghans étaient arrivés au Canada, pour un objectif de 40 000. Mais c’est sans doute un nombre beaucoup plus élevé d’Ukraniens qu’Ottawa devra se préparer à recevoir, au vu du drame qui se joue en ce moment même à 3h30 de vol de Paris.
AGENDA
Atelier d’information demandeurs d’emploi spécial Corse, organisé en ligne par l’Office franco-québécois pour la jeunesse avec Pôle Emploi, lundi 7 mars, 14h
Mobilité jeunesse, atelier d’information en ligne organisé par l’Office franco-québécois pour la jeunesse, lundi 7 mars, 15h
Rencontre avec l’autrice canadienne Martine Delvaux, organisée par le Centre culturel canadien à Paris, mardi 8 mars, 20h
Découvrir les opportunités d’affaires en Ontario, webinaire organisé par la Chambre de commerce France-Canada, mercredi 9 mars, 17h
Journées Québec France-Belgique, Travailler et immigrer à Montréal - Procédures encadrant les demandes d’admission de candidats internationaux à l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ), séance d’information organisée en ligne par le ministère québécois de l’immigration, lundi 14 mars, 18h
Rencontre avec deux duos de créateurs de BD canadiennes, organisée par le Centre culturel canadien à Paris, lundi 14 mars, 20h
Travailler au Québec dans le secteur du jeu vidéo, séance d’information organisée en ligne par le ministère québécois de l’immigration, mardi 15 mars, 13h
Travailler et s'installer au Québec, séance d’information organisée par le ministère québécois de l’immigration, Cité des Métiers de la Villette, Paris 19e, mardi 15 mars, 17h
Concert de la chanteuse acadienne Emilie Landry, organisé par le Centre culturel canadien à Paris, mardi 15 mars, 20h
Opportunités d’investissement et de commerce au Manitoba, webinaire organisé par la CCI française au Canada, mardi 22 mars, 10h heure de Montréal
Exporter et s’implanter au Canada, réunion d’information organisée par la Chambre de commerce France-Canada à Lille, mercredi 23 mars, 14h
Profiter de l’AECG et s’implanter au Canada, présentation de l’écosystème des affaires au Canada organisée par la CCI française au Canada, mercredi 23 mars, 9h30 heure de Montréal
Exporter et investir au Canada, réunion d’information organisée par la Chambre de commerce France-Canada à Lyon, jeudi 24 mars, 8h30
Etudier, s’installer, travailler, vivre au Canada, salon organisé par Infos Jeunes Auvergne-Rhône-Alpes/Eurodesk et Air Canada, Palais de la Bourse à Lyon, jeudi 24 mars, 13h30-17h30
Exporter et investir au Canada, matinée organisée par la Chambre de commerce France-Canada à Nice, vendredi 25 mars, 8h30
Tout comprendre sur l'immobilier et le processus d'achat au Canada, webinaire organisé par Mon projet au Canada avec Desjardins, vendredi 25 mars, 19h
Merci pour cette vision qui montre la générosité des canadiens à l'égard de leurs frères et soeurs ukrainiens. Nous avons tant de chagrin en voyant les enfants et les femmes fuyant et pouvons si peu pour eux au travers de dons de produits de première nécessité... Les augmentations de prix semblent dérisoires face à ce qui se passe à quelques kilomètres de notre pays.