Chers lecteurs et chères lectrices d’Attache ta tuque,
Le sujet - douloureux - de ma dernière chronique ne vous a pas laissés indifférents. J’ai reçu de nombreuses réactions, des remerciements pour avoir évoqué cette dure réalité. J’imaginais cette semaine aborder une actualité plus légère.
Crédit : gouvernement du Canada
J’aurais pu vous parler du déconfinement qui s’étend au Canada, de la vaccination qui progresse à toute vitesse (près de 70% de la population âgée de 18 ans et + a reçu au moins une dose), de l’été qui a débarqué sans crier gare (plus de 30° ce week-end à Montréal), des inquiétudes des restaurateurs craignant de manquer de bras alors qu’ils réouvrent leurs terrasses (le taux de chômage en mai s’est établi à 6,6% au Québec et à 8,2% dans l’ensemble du Canada), des finissants frustrés de ne pas pouvoir aller au bal malgré le recul de la pandémie et qui mettent la pression sur les autorités pour renverser la décision, du triomphe du Canada au mondial de hockey dimanche, du réveil du Canadien de Montréal (aussi appelé le Tricolore) dans les séries qui se jouent en ce moment, du chanteur québécois Louis-Jean Cormier sacré Album francophone de l’année par les Prix Juno (l’équivalent des Victoires de la Musique pour le Canada), … j’aurais pu vous parler de la vie comme elle va au Canada.
J’aurais pu vous parler de tous ces candidats qui cette semaine vont passer des entretiens avec des recruteurs dans le cas des Journées Québec France, espérant décrocher un contrat de travail pour partir vivre dans la Belle province, et accomplir ainsi un rêve souvent mûri durant de longues années, et au diable la pandémie et ses restrictions de voyage. Et vive l’aventure dans un pays qui séduit toujours autant les immigrants.
Mais la “découverte de Kamloops”, comme on l’appelle désormais au Canada, a continué à dominer ces derniers jours les informations et les discussions. L’affaire est remontée jusqu’au Vatican, où le pape François a exprimé dimanche matin sa “douleur à propos de la découverte choquante des restes de 215 enfants en Colombie-Britannique”. Il faut dire que deux jours plus tôt le Premier ministre canadien Justin Trudeau s’était adressé à l’Eglise catholique en lui demandant d’assumer sa part de responsabilité dans ce drame. On sait que de nombreux pensionnats étaient gérés par des religieux, dans le cadre de conventions passées avec le gouvernement. Si les archevêques de Regina et de Vancouver ont présenté leurs excuses, l’archevêque de Toronto a lui estimé que ce n’était pas forcément la voie à suivre.
La question se pose désormais de l’éventuelle reconnaissance d’un génocide par le Canada, qui ouvrirait la voie d’un point de vue juridique à une action contre le gouvernement fédéral. D’autant qu’après la découverte de Kamloops, d’autres fouilles pourraient avoir lieu sur d’autres sites. Au Québec, cette affaire survient alors qu’une enquête publique était menée sur la mort suspecte, l’automne dernier à l’hôpital, d’une mère de famille autochtone qui malgré ses appels à l’aide n’avait pas été secourue par le personnel. Un drame qui avait souligné la persistance de comportements racistes envers les personnes autochtones. Et la difficulté du travail de réconciliation entamé en 2008 par Ottawa.
L’écrivain Michel Jean, auteur du très beau livre Kukum dont j’avais parlé ici, m’a écrit au sujet d’un autre de ses ouvrages, Maikan, paru en 2013 (et disponible fin juin en France). A l’époque me dit-il, “ce roman inspiré de faits réels n’avait pas trop intéressé le public”. L’histoire se déroule notamment au pensionnat de Fort George où étaient envoyés les enfants de la communauté innue de Mashteuiatsh, dont Michel Jean est lui-même issu par sa grand-mère maternelle. “Les gens découvrent avec horreur … ce qu’on tente de leur dire depuis longtemps”, se désole Michel Jean.
Gouvernement fédéral et provinciaux, Eglises, citoyens : l’examen de conscience concerne désormais tout le monde au Canada. Une drôle de coïncidence alors que le pays célèbre en juin, comme chaque année depuis 2009, le mois de l’histoire autochtone. Cette volonté d’ouverture culturelle se heurte aujourd’hui à la réalité historique. A moins qu’elle lui offre une piste pour trouver la voie d’une véritable reconnaissance.
A suivre cette semaine
Immigration, impact de la Covid-19, conférence en ligne organisée par la Citim, mardi 8 juin, 16h30 heure de Montréal
S’implanter au Canada, atelier en ligne organisé par Business France, jeudi 10 juin, 14h