Je vous ai parlé la semaine dernière de la présentation du budget fédéral, qui a suivi de peu celle du budget du Québec. Au niveau fédéral comme au niveau provincial, les gouvernements parient sur la relance post-Covid. Ils sont prêts à investir de milliards de dollars pour la soutenir. Et ils comptent aussi sur l’immigration pour accompagner cette relance.
Sauf que la situation n’est pas bien brillante sur ce front, le traitement des dossiers ayant été considérablement ralenti par la pandémie. Le sujet est en train de tourner à l’affrontement entre Québec et Ottawa. Car si la Belle province a depuis la fin des années 1960 la maîtrise de sa politique d’immigration, elle dépend du fédéral pour l’attribution des visas. Or, d’après les médias québécois, plus de 50 000 travailleurs qualifiés déjà sélectionnés par le Québec seraient en attente de leur résidence permanente, la fameuse RP, délivrée par Ottawa. Le nombre de dossiers en suspens est tel qu’il faudrait pour ces travailleurs patienter plus de deux ans avant d'obtenir le précieux sésame. Alors que dans les autres provinces, le délai serait de seulement… six mois !
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Le quotidien Le Devoir a raconté le 30 avril la déception, pour ne pas dire le désespoir d’une immigrante française, arrivée en 2013, à qui on avait annoncé un délai de 18 mois quand elle a déposé sa demande de résidence permanente en novembre 2018 : deux ans et demi plus tard, elle attend toujours. Une attente d’autant plus difficile à vivre que, le processus étant mené en ligne, il est quasi-impossible d’avoir un interlocuteur en direct pour obtenir des informations sur l’état d’avancement de son dossier.
150 000 emplois vacants
De tels témoignages contrastent avec les appels de la communauté d’affaires : le Conseil du Patronat du Québec répète volontiers qu’il y a 150 000 emplois vacants dans la province. Et le gouvernement lui-même fait la promotion des Journées Québec qui se tiendront en ligne au mois de juin pour la France : 1400 postes seront proposés par près de 80 entreprises, dans des secteurs aussi divers que les nouvelles technologies, les jeux vidéos, la construction, les transports, l’agro-alimentaire et la santé. Les postulants recrutés dans ce cadre se voient offrir un permis de travail temporaire et fermé, c’est-à-dire attaché à leur emploi. Et c’est là que la bât blesse. Car quand il s’agit de transformer le permis temporaire (qu’il soit d’ailleurs de travail ou d’études) en résidence permanente, les choses se compliquent.
A Québec, on dénonce l’inaction d’Ottawa. Mais le gouvernement Legault n’a pas non plus aidé ses immigrants, en durcissant les voies d’accès rapides à la résidence permanente, telles que le très prisé Programme de l’expérience québécoise. Pendant ce temps, les autres provinces déploient des trésors d’imagination (et de promotion) pour attirer les immigrants francophones. Parmi leurs atouts : des délais d’obtention de la résidence permanente beaucoup plus courts, une concurrence moins grande sur le marché du travail (les francophone sy sont plus rares) et une expérience d’immigration totale (si vous vous installez en Ontario ou en Nouvelle-Ecosse, vous avez peu de risque de croiser des Français à tous les coins de rue comme à Montréal).
Des immigrants pris en otage
Le Québec, qui s’inquiète par ailleurs du recul de l’usage du français parmi sa population, serait-il en train de scier la branche qui venait opportunément consolider depuis des années son arbre démographique (et linguistique) ? Le 24 avril, un collectif baptisé “L’interminable attente des AR par les demandeurs de RP” (un titre aussi obscur que les raisons de l’attente à laquelle ces demandeurs sont soumis), et représentant quelques 6000 francophones, a publié une tribune éloquente dans Le Devoir. Petit décryptage : les AR ce sont les accusés de réception que tout demandeur de résidence permanente (RP) doit recevoir au cours du processus et qui attestent de la prise en compte de sa demande.
Les signataires de ce texte (associés au groupe Le Québec c’est nous aussi) disent attendre la résidence permanente depuis 6, 12, 18, 24 voire 36 mois. Leur amertume est grande : “Le Québec nous a sélectionnés pour notre apport économique, pour ensuite nous oublier”, écrivent-ils d’emblée. lls sont ingénieurs, médecins, infirmières, institutrices, entrepreneurs. Ils dénoncent “le jeu de ping-pong politique entre les deux gouvernements” dont ils sont victimes : en clair, Québec reproche à Ottawa de ne pas traiter assez vite les dossiers, mais Ottawa pointe les quotas d’admission réduits décidés par Québec après l’arrivée au pouvoir de François Legault en octobre 2018.
Pris en otage entre deux administrations, ces francophones déjà installés et intégrés au Québec ne comprennent pas que la Belle province cherche à accueillir des nouveaux arrivants alors qu’elle ne parvient pas à sécuriser le statut de ceux qui sont déjà sur son sol, pour certains depuis plusieurs années.
Pour rassurer la communauté d’affaires, le gouvernement québécois a récemment annoncé qu’il allait augmenter les seuils d’immigration. Mais des voix se sont immédiatement interrogées sur l’opportunité d’une telle promesse : ne faudrait-il pas déjà simplifier les processus actuels ?
Pendant ce temps, le gouvernement fédéral continue de puiser régulièrement dans le bassin des candidats d’Entrée Express (concernant toutes les provinces hors le Québec) : le 29 avril, il a envoyé 6000 invitations à présenter une demande de résidence permanente, dans le cadre de la catégorie de l’Expérience canadienne, c’est-à-dire à des travailleurs qualifiés ayant déjà une expérience de travail au pays.
Cherchez l’erreur…
A suivre cette semaine
Pvtistes, travailler au Québec, atelier proposé aux Pvtistes par la Citim à Montréal, du lundi 3 mai au vendredi 7 mai
Séance d’information sur les Journées Québec France, organisé en ligne par le ministère québécois de l’Immigration, mardi 4 mai, 18h
Francophones, immigrez hors du Québec ! webinaire organisé par le cabinet Immetis, mardi 4 mai, 18h
Session d'information sur les études de premier cycle universitaire et sur les études techniques (BTS - DUT) au Canada, organisé en ligne par l'Ambassade du Canada en France, mercredi 5 mai, 14h
Session d'information sur les études de maîtrise et doctorat au Canada, organisé en ligne par l'Ambassade du Canada en France, jeudi 6 mai, 14h
Mission de recrutement d’infirmières et infirmiers, organisée par la région de l'Abitibi-Témiscamingue au Québec, jeudi 6 mai, 18h
Travailler dans le secteur de la santé au Québec, session d’information en ligne organisée par le ministère québécois de l’Immigration, vendredi 7 mai, 16h
Journées Québec France, inscriptions en ligne jusqu’au 25 mai pour des entretiens d’embauche en ligne du 7 au 12 juin prochain